Le piège de la Gauli, du 30 mars au 5 avril 2019

Des cinq participants, deux eurent un empêchement de dernière minute, et nous voici à trois alpinistes séniors partis pour une première magnifique journée de montée dans la région du Grimsel, bien connue pour ses cristaux de roche. Les conditions de neige sont idéales et le soleil brille dans la superbe vallée de Bächli. Nous montons depuis le haut du téléphérique de Handegg jusqu’à la cabane Bächlitalhütte, perchée sur les rochers bordant la vallée. Nous décidons au passage, de nous hisser de 500 m en face du notre hébergement, sur une pente bien raide, magnifique à skier dans la neige vierge. Le lendemain, départ pour remonter le glacier et traverser l’Obere Bächlilücke, ce qui nécessite un portage pour escalader la succession d’échelles métalliques et le début de la descente sécurisée par des chaines fixes.

Un paysage superbe nous accueille : en fond de vallée un lac gelé et le glacier Gauli où eut lieu le premier sauvetage aérien de montagne de l’histoire, suite au crash en 1946 d’un Dakota-DC3 de l’armée américaine. Tout autour de cet entonnoir, une superbe couronne de montagnes d’une blancheur immaculée. Entre les sommets, les divers cols à franchir pour pénétrer ou s’extraire de ce coin sauvage. Nous en prenons plein les yeux, descendons sur le lac, puis un couloir où roule le casque (mais pas la tête) de Maxime, avant la montée raide sur la cabane Gauli. Les réflexions vont bon train au sujet de la météo qui prévoit un troisième jour de beau temps avant une dégradation rapide. Le gardien se dit optimiste, arguant du foehn local qui devrait retarder les intempéries et permettre notre traversée de retour au jour quatre.

Félix et moi avons de toute façon des fourmillements dans les jambes. Aussi nous partons tous le troisième jour pour une belle montée de 1600m jusqu’au sommet de l’Ankelbälli, à 3’600 m d’altitude. Entre les nuages de brume, nous profitons d’une vue extraordinaire en enfilade sur l’arrête de la Mittellegi ; nous avons l’illusion optique de rivaliser de hauteur avec l’Eiger. La descente est plus difficile, le jour blanc s’en mêlant à notre insu. Le vent annonce un changement.

Après un souper revigorant nous profitons d’un repos bien mérité et décidons de partir au lever du jour pour le grand retour. Félix proposait la traversée du Golegghorn. Au réveil nous devons changer de plan car le ciel est couvert et le vent plus fort. Nous optons pour la solution sage d’un retour par le chemin qui nous a mené à la Gauli et que nous connaissons. La montée est rendue difficile par les rafales de vent, dont l’une me renverse dans la neige. Les traces du groupe qui nous précède de 30 minutes sont effacées ; des congères se forment. Des petites plaques de neige se détachent sous nos skis à 50 mètres de la zone de portage et de chaines. Au col, le vent est violent; la descente des échelles nécessite beaucoup de concentration. Et c’est la déception : plus aucune trace visible, le brouillard ne permet pas de définir un itinéraire sécurisé sur le glacier ; nous longeons donc le bas des falaises du Diamanstock, et retrouvons l’itinéraire de montée par une traversée du glacier. Au froid se mêle le blizzard ; la neige pénètre par tous les pores, la fatigue s’installe. Il reste plus de 1000 m de descente. Aussi, nous décidons de nous réfugier sans tarder à la Bächlitalhütte.

C’est une prison dorée dans laquelle nous sommes dorlotés par les gardiens Claudia et Beni, tandis que les rafales font trembler la cabane. Plus de 120 cm de neige fraiche viennent bloquer la porte et les fenêtres. Au dehors des avalanches spontanées se déclenchent.  Lorsque le soleil revient, il devient évident qu’il faudra attendre encore deux à trois jours pour que la neige se stabilise. Nous aimerions tant être momentanément des oiseaux !

André Zwahlen

 

Organisateur : Félix Würgler

Participants : Félix Würgler, Maxime Zürcher et André Zwahlen